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Tout sur le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles

Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles, également connu sous le nom de Colony Collapse Disorder (CCD) en anglais

C’est un phénomène de mortalité anormale et récurrente des colonies d’abeilles domestiques (Apis mellifera). Ce phénomène a fait l’objet d’observations en France, depuis 1998, et aux États-Unis à partir de l’hiver 2006-2007. Bien qu’il ait également été signalé en Asie et en Égypte, il n’a pas été formellement associé au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles.

Malgré une augmentation de la surmortalité des abeilles domestiques en Europe au tournant des années 2000, le nombre de ces colonies a globalement augmenté sur le continent entre 1990 et 2021, en suivant une tendance mondiale qui affiche une hausse de 47 % sur la même période.

Ce phénomène a un impact significatif sur la production apicole à travers le monde.

En effet, les abeilles domestiques sont des pollinisatrices essentielles pour de nombreuses cultures. Elles sont essentielles pour les pommiers, les amandiers, les avocatiers, les cerisiers, les oignons, les concombres, le coton, l’arachide, le melon, etc. Selon l’INRA, la survie de 80 % des plantes à fleurs et la production de 35 % de l’alimentation humaine dépendent directement des pollinisateurs. Aux États-Unis, les abeilles fournissent des services de pollinisation d’une valeur estimée à environ quinze milliards de dollars par an. Bien que les pollinisateurs sauvages jouent également un rôle important, l’abeille domestique reste indispensable dans certaines zones dépourvues de pollinisateurs naturels. Par exemple, en Californie, la production d’amandes repose en grande partie sur les abeilles domestiques, ce qui entraîne des risques sanitaires dus à leur concentration dans cette région.

Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles a suscité des débats scientifiques et médiatiques.

Au début, les chercheurs disposaient de peu d’études et de données pour étudier le phénomène, mais depuis les années 2000, ils ont mené de nombreuses recherches, permettant ainsi d’identifier les bio-agresseurs impliqués et de mettre en évidence des effets synergiques. Il existe désormais un consensus sur le caractère multifactoriel de ce syndrome, avec une attention particulière portée à l’acarien Varroa destructor.

En Europe, certains apiculteurs ont pointé du doigt les pesticides systémiques comme principale cause du phénomène dès 1995.

Malgré l’interdiction de certains de ces pesticides incriminés en France et en Europe à partir de 1999, les taux de mortalité des abeilles sont restés inchangés. Des ONG écologistes et des journalistes soutiennent également la thèse selon laquelle les pesticides jouent un rôle majeur dans ce problème. Cependant, des études en laboratoire remettent en question cette idée en raison des difficultés à reproduire les conditions réelles et à interpréter les résultats.

Les études scientifiques ont néanmoins conduit l’Autorité européenne de sécurité des aliments à conclure que les tests réglementaires pour homologuer les pesticides ne permettaient pas d’évaluer correctement les risques pour les abeilles, et que certains produits phytosanitaires encore en usage présentaient un danger pour ces insectes pollinisateurs.

Définition

Les trois symptômes spécifiques qui affectent les colonies d’abeilles domestiques caractérisent le Colony Collapse Disorder (CCD) :

  1. L’absence d’abeilles mortes à l’intérieur de la ruche ou à proximité.
  2. Un déclin soudain de la population d’abeilles adultes, laissant les œufs et les larves sans surveillance.
  3. L’absence de pillage ou d’attaques de la colonie par d’autres abeilles ou parasites immédiatement après le déclin.

D’autres situations de réduction de la population d’abeilles sont parfois confondues avec le CCD :

  1. Le vidage rapide d’une ruche en pleine saison de production, ce qui a contribué à médiatiser l’affaire dès 1998.
  2. Les taux élevés de mortalité hivernale observés principalement en Amérique du Nord depuis le milieu des années 1990. Dans ces cas, les ruches meurent en masse dès la sortie de l’hiver.

Ce phénomène présente des caractéristiques nouvelles et inquiétantes :

  • Les pertes surviennent brusquement, sans signes précurseurs évidents.
  • L’effondrement peut se produire à n’importe quelle période de l’année.

Ce phénomène s’est rapidement propagé et touche aujourd’hui la quasi-totalité des régions où les apiculteurs pratiquent l’élevage d’abeilles en Europe.

Dans ces situations, la reine de la colonie semble en bonne santé et continue souvent à pondre des œufs, même lorsque le nombre d’ouvrières disponibles pour s’occuper des larves diminue considérablement. Les ouvrières restantes cessent de se nourrir, interrompant ainsi le processus de butinage.

Il convient de noter que le symptôme le plus rare est celui de la ruche vidée en pleine saison de butinage, tandis que la forme la plus courante du CCD se manifeste par des pertes massives et récurrentes pendant l’hiver.

Historique du syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles

Émergence du problème (Fin du XIXe Siècle – 1998) & signes précoces de trouble

Les pertes d’abeilles et de colonies, ainsi que les récoltes de miel anormalement basses, sont des phénomènes sporadiques signalés en France depuis la fin du XIXe siècle. À l’époque, ces problèmes étaient généralement attribués à des conditions météorologiques défavorables ou à des maladies. Toutefois, les premiers signes d’une augmentation inhabituelle de la mortalité des abeilles ont été observés en 1998. Cette situation a pris de court le développement de l’élevage d’abeilles domestiques en Europe, qui avait commencé dans les années 1960.

Révolution dans l’Apiculture (Années 1960 – 1990) & nouvelles méthodes et croissance

La production de miel avait connu peu d’évolution depuis l’introduction de la ruche moderne à cadre amovible en 1849. Cependant, des changements majeurs sont intervenus avec l’arrivée d’apiculteurs professionnels et l’essor des cultures industrielles favorables aux abeilles, telles que le colza et surtout le tournesol.

La maîtrise de la production de reines grâce à l’utilisation de gelée royale a permis de multiplier rapidement le nombre de colonies et a ouvert la voie à la sélection génétique grâce à l’insémination artificielle des reines. Cette évolution a entraîné une explosion de la productivité, passant de 5 à 10 kg à 50 kg de miel par an pour les ruches bien gérées. En conséquence, la production de miel en France, qui était de 8 000 tonnes en 1961, a atteint près de 20 000 tonnes dans les années 1990, selon la FAO. Dans les années 1980, de nombreux apiculteurs ont embrassé cette profession de manière plus professionnelle.

Crise du CCD (Années 1990 – 2000) – déclin soudain et pertes massives

Cependant, la crise liée au CCD a brisé cette croissance florissante en Europe. Alors que le nombre de colonies domestiques avait augmenté de 16,2 % entre 1965 et 1985, il a diminué de 16,1 % entre 1985 et 2005. Cette baisse s’est accompagnée d’une réduction de 31,4 % de la population d’apiculteurs, et la production française de miel est retombée en dessous de 15 000 tonnes en 2010. Cette tendance a touché la plupart des pays européens, avec des pertes atteignant parfois 90 % à 100 % des colonies au printemps.

Situation aux États-Unis (Dès la fin du XIXe Siècle – CCD en 2006-2007)

Aux États-Unis, des pertes importantes d’abeilles avaient déjà été signalées localement dès 1896 et avaient reçu diverses appellations, telles que « autumn collapse », « May disease », « spring dwindle », « disappearing disease », et « fall dwindle disease ». Plus récemment, les disparitions d’abeilles ont été attribuées à la loque américaine dans les années 1940, puis aux acariens parasites Varroa destructor et Acarapis woodi dans les années 1980. L’introduction de ces acariens aux États-Unis a augmenté la proportion de colonies qui ne survivent pas à l’hiver, passant de 5-10 % à 15-25 %.

Changements dans l’apiculture américaine

Contrairement à l’Europe, la crise apicole aux États-Unis s’est produite dans un contexte de déclin de l’apiculture et de changements importants. La production de miel a commencé à diminuer après la Seconde Guerre mondiale, passant de 120 000 tonnes dans les années 1960 à 67 000 tonnes en 2011. En revanche, la location de ruches pour la pollinisation est devenue l’activité dominante des apiculteurs, entraînant une intensification de la production d’essaims, des déplacements sur de longues distances, et une remise en question des pratiques traditionnelles, comme la reconstitution des réserves des ruches dans les pâturages du Montana, qui étaient en déclin au profit de cultures comme le maïs.

Éruption du CCD aux États-Unis (Hiver 2006-2007)

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que le nombre de ruches dans le monde a globalement augmenté d’environ 45 % au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Le Brésil a particulièrement marqué cette croissance, passant de 7 000 tonnes à 41 000 tonnes, ainsi que l’Argentine, qui est passée de 20 000 tonnes à 59 000 tonnes, le Mexique, qui est passé de 24 000 tonnes à 57 000 tonnes, et la Chine, qui est passée de 53 000 tonnes à 450 000 tonnes entre 1961 et 2011.

Chiffres du Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles

Situation des colonies d’abeilles en Europe

Selon la FAO, en 1990, l’Europe comptait environ 22,5 millions de colonies d’abeilles. Bien que ce chiffre ait connu une légère baisse aux alentours de l’an 2000, les populations d’abeilles se sont depuis rétablies pour atteindre environ 25,1 millions de colonies en 2021. Cependant, il est important de noter des disparités significatives entre différentes régions européennes. Par exemple, dans l’Europe de l’Est, on a observé un déclin d’environ 25 % au cours de cette période, tandis que dans l’Europe méridionale, le nombre de colonies a plus que doublé.

Croissance mondiale de l’apiculture

Au niveau mondial, l’apiculture et l’élevage d’abeilles ont également enregistré une croissance marquée au cours des dernières décennies. Selon la FAO, le nombre total de colonies d’abeilles dans le monde était d’environ 101,6 millions en 2021, ce qui représente une augmentation de 47 % par rapport à 1990. La majeure partie de ces colonies se trouvait en Asie, avec environ 45,3 millions de colonies.

Collecte de données sur le CCD en Europe

En ce qui concerne la collecte de données sur le CCD en Europe, avant 2008, il était difficile de comparer les chiffres en raison de l’absence d’une méthodologie de mesure commune et d’un réseau de surveillance global. Cependant, depuis la création du réseau COLOSS en 2008, une coordination internationale a permis d’améliorer la collecte de données et d’harmoniser les protocoles de mesure.

Taux de mortalité des colonies

Entre 2006 et 2007, neuf États européens sur treize ont signalé un taux de mortalité des colonies dépassant le seuil normal de 10 %. Entre 2009 et 2010, ce taux de disparition a augmenté, mais il a varié considérablement d’un pays à l’autre, allant de 7 % à 30 %. Au Canada, pour six des treize provinces et territoires, ce taux se situait entre 16 % et 25 % pendant l’hiver 2009-2010. En Chine, pour cinq des vingt-deux provinces, ce taux était de seulement 4 %.

Taux de pertes attribuables au Syndrome d’effondrement en France

Chez les apiculteurs professionnels en France, on a estimé le taux de pertes attribuables au Syndrome d’effondrement pour l’hiver 2010-2011 à entre 0,75 % et 1 %. Cela correspond à une plage de pertes annuelles de 17 % à 22 %, mais seulement 4,5 % des colonies perdues présentaient les symptômes du CCD.

Aux États-Unis, depuis 2007, le Service de recherche agricole et l’association Apiary Inspectors of America mènent chaque année une étude sur les pertes hivernales des colonies.

Variations du taux de pertes

Hiver 2006-2007 : Le syndrome d’effondrement se manifeste

Pour l’hiver 2006-2007, 23,8 % des apiculteurs signalent des pertes de colonies avec absence d’abeilles mortes, avec un taux de pertes de 45 % pour ceux relevant du Syndrome, contre 25,4 % pour les autres. Au total, 31,8 % des colonies sont perdues.

Hiver 2007-2008 : Augmentation des pertes

En 2007-2008, le taux de pertes atteint 35,8 % des colonies, avec 37,9 % des apiculteurs perdant au moins certaines de leurs colonies présentant les symptômes du Syndrome. Leur taux de perte hivernale est plus élevé (40,8 %) que pour ceux qui ne rencontrent pas le Syndrome (17,1 %). Les apiculteurs aux pertes considérées normales enregistrent un taux de perte moyen de 21,7 %.

Hiver 2008-2009 : Une baisse des pertes

Pour l’hiver 2008-2009, le taux de perte descend à 28,6 %, avec un taux normal à 17,6 %. Seuls 26,2 % des apiculteurs rencontrent les symptômes du Syndrome, concernant 60,3 % de leurs colonies perdues. Leur taux de perte n’est pas significativement plus élevé que ceux qui ne rencontrent pas le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles.

Hiver 2009-2010 : Nouvelle hausse des pertes

L’hiver 2009-2010 enregistre une remontée du taux de perte à 34,4 %, avec un taux acceptable à 14,5 %. 28,9 % des apiculteurs rencontrent les symptômes du Syndrome, avec un taux de perte moyen de 62,2 %. Ces apiculteurs perdent 44,1 % de leurs colonies, tandis que ceux n’ayant pas été confrontés au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles en perdent 26,7 %.

Hiver 2010-2011 : Persistance des pertes

Pour l’hiver 2010-2011, le taux de perte est de 29,9 %, avec un taux acceptable à 13,2 %. On estime que 26,3 % des colonies présentent les symptômes du Syndrome. Ces apiculteurs perdent en moyenne 62,3 % de leurs colonies, contre 56,5 % pour ceux épargnés par le Syndrome.

En conclusion, le Syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles (CCD) demeure un problème préoccupant

Il affecte les populations d’abeilles domestiques dans le monde entier. Les abeilles jouent un rôle essentiel pour de nombreuses cultures, ce qui en fait un enjeu économique et environnemental majeur.

L’histoire du CCD montre une complexité de facteurs à l’œuvre, notamment des maladies, des parasites, des pratiques apicoles, et la possible influence des pesticides. Les chiffres révèlent des variations significatives dans le taux de pertes de colonies selon les régions et les années, mais l’impact global du CCD reste difficile à évaluer avec précision.

La recherche sur ce phénomène se poursuit, avec des avancées dans la compréhension de ses multiples causes. Les apiculteurs, les scientifiques et les responsables gouvernementaux collaborent pour trouver des solutions visant à protéger les populations d’abeilles et à maintenir la pollinisation des cultures.

Il est impératif de continuer à surveiller de près l’évolution du CCD et d’adopter des mesures de préservation des abeilles. La santé des abeilles est intrinsèquement liée à notre sécurité alimentaire, à la biodiversité et à la préservation de l’écosystème.

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