L’apiculture est une activité essentielle pour la production de miel. Cependant, la santé des abeilles, en particulier leur alimentation, joue un rôle fondamental dans la pérennité de cette activité. Dans cet article, nous explorerons l’impact de la malnutrition sur les abeilles, les pratiques d’alimentation recommandées, et l’importance des compléments alimentaires et du nourrissement protéiné afin de maintenir la vitalité des colonies.
1. Consommation de miel
Le nectar des plantes, ainsi que le miellat issu de l’exsudation d’insectes, constituent les principales sources de glucides pour les abeilles. Le nectar apporte non seulement des glucides, mais aussi de l’eau, des minéraux, et d’autres substances biologiques. La concentration en sucres du nectar peut varier de 4 à 60 %. Toutefois, les abeilles ont une préférence pour les sources de nectar riches en sucres. Elles privilégient les sources contenant entre 30 et 50 % de sucres. Le miel est produit à partir du nectar. Il joue un rôle essentiel dans l’alimentation des abeilles en fournissant des glucides et des minéraux de qualité.
Le miel présente plusieurs avantages pour la colonie, notamment sa capacité à se conserver longtemps grâce à sa faible teneur en eau, sa haute valeur nutritive, et sa digestibilité supérieure par rapport au nectar. Ces caractéristiques permettent aux abeilles de stocker le miel pour une utilisation ultérieure.
2. Consommation de pollen
Le pollen, associé au nectar, subit une fermentation grâce à l’action de bactéries lactiques introduites par les abeilles. Ce processus conduit à la formation du pain d’abeilles, qui est une source cruciale de protéines, d’acides aminés, de fibres, de lipides, de vitamines et de minéraux pour la colonie.
Les bactéries lactiques présentes dans le pain d’abeilles améliorent la digestibilité du pollen, augmentent la production d’enzymes bénéfiques, et réduisent la présence de bactéries et de champignons pathogènes. La composition du pain d’abeilles varie en fonction des sources de pollen, et certaines plantes, comme les Brassicacées, sont particulièrement intéressantes pour les abeilles en raison de leur teneur en protéines.
3. Acides aminés
Les acides aminés sont essentiels pour l’abeille, mais elles ne peuvent en synthétiser que certains à partir de leur alimentation. Les acides aminés essentiels doivent donc être apportés directement par l’alimentation des abeilles. La carence en certains acides aminés peut entraîner des problèmes de santé pour la colonie, soulignant l’importance d’une alimentation équilibrée.
4. Lipides
Les lipides sont une source importante d’énergie pour les abeilles, et les acides gras sont essentiels pour l’intégrité structurale des membranes cellulaires. Certains pollens riches en lipides attirent davantage les abeilles, et les lipides semblent jouer un rôle dans la santé des abeilles en influençant la défense contre les maladies.
5. Minéraux
Les minéraux, tels que le calcium, le cuivre, le fer, le potassium et d’autres, sont vitaux pour le bon fonctionnement de l’organisme des abeilles. Cependant, une trop grande quantité de sels minéraux peut entraîner une augmentation des besoins de nettoyage et d’évacuation des déchets, ce qui doit être pris en compte lors du nourrissage des abeilles.
6. L’importance de l’eau
6.1 Rôle de l’eau dans la colonie
L’eau est un élément essentiel pour le bien-être des abeilles, car elle maintient les minéraux en dissolution, favorise diverses réactions chimiques vitales, et régule la température de la colonie. Le couvain, par exemple, est sensible à la déshydratation, ce qui peut entraîner sa disparition s’il y a une pénurie d’eau. En outre, l’eau est utilisée pour augmenter l’humidité relative au niveau du couvain, favorisant ainsi son développement. Il est important de noter que l’abeille ne peut pas éliminer l’eau de son organisme, ce qui limite sa consommation régulière de nectar, car ce dernier est souvent très humide.
6.2 Consommation d’eau par la colonie
La quantité d’eau consommée par une colonie dépend en grande partie de l’élevage en cours et des conditions météorologiques. Selon Antonio Pajuelo, une colonie peut consommer environ 1 litre d’eau par semaine en période d’élevage, que ce soit pendant une période de miellée ou en dehors de celle-ci. De plus, les abeilles montrent une préférence pour les eaux riches en sels minéraux, ce qui explique leur attraction pour les effluents d’élevage.
En hiver, les abeilles consomment l’eau résultant de la condensation de l’humidité ambiante de la ruche. Cela se produit en raison de la différence de température entre le cœur de la grappe (chaud) et la périphérie de la colonie (froide).
7. Les réserves individuelles et collectives
7.1 Réserves individuelles
Toutes les réserves corporelles de l’abeille se trouvent dans son dos, sous le 5e tergite (segment abdominal), correspondant au 3e segment visible d’une abeille. Ces réserves individuelles sont mobilisées lorsque l’abeille est enfermée dans la ruche sans possibilité de sortir, que ce soit en hiver ou pour survivre en cas de pénurie de réserves dans la ruche, sans apport extérieur.
7.2 Réserves collectives
Les réserves collectives de la colonie se trouvent sur les cadres de la ruche. Le miel est stocké sur la partie supérieure des cadres de couvain et dans les cadres de rive et de hausse. Le pollen, quant à lui, forme un arc autour du couvain et dans les cadres adjacents. Il est crucial de noter que ces réserves évoluent constamment à l’intérieur de la ruche et sont sujettes à la détérioration.
7.3 Conservation des réserves
Le miel se conserve plus longtemps que le pollen. La conservation du miel en ruche dépend de la température de la zone de stockage. Pour l’abeille, la « date limite de consommation optimale » du miel est d’environ 4 ans. Au-delà de cette période, les HMF (hydroxyméthylfurfural) produits peuvent présenter un risque de toxicité pour l’abeille. Les HMF résultent de la déshydratation des sucres, notamment le fructose.
De plus, le pollen, bien que fermenté pour augmenter sa conservation, possède une « date limite de consommation optimale » dans la ruche, qui est d’environ deux mois. Au-delà de cette période, le pollen commence à se détériorer significativement.
Cependant, il convient de noter que les réserves corporelles des abeilles peuvent être complétées par les réserves de la ruche lorsque cela est possible, ce qui assure la survie de la colonie en période de disette.
8. Alimentation des abeilles
8.1 Mode d’alimentation
Les abeilles ont un mode de préhension de type suceur. Leur alimentation est assurée en avalant directement leur nourriture. Les mandibules jouent le rôle de pinces et servent à détacher et amalgamer la nourriture. Il est donc essentiel que les particules alimentaires soient de petite taille, ne dépassant pas 0,2 mm de diamètre.
8.2 Préparation des aliments
Les apiculteurs qui fabriquent des aliments pour les abeilles doivent veiller à ce que les particules soient correctement désagrégées ou dissoutes dans l’eau sans former de grumeaux ou de particules trop importantes. Cela garantit une alimentation adéquate pour les abeilles et leur bien-être.
8.3 Cristallisation du miel
Si le miel cristallise dans les réserves de la ruche, il ne sera pas consommable par les abeilles, à moins qu’il y ait une forte condensation d’eau dans la ruche qui puisse dissoudre les cristaux. La cristallisation dépend de la variété du miel et de sa composition chimique. Elle peut être accélérée par des températures plus élevées, des miels plus acides ou des miels récoltés depuis longtemps.
Impact de la malnutrition
La malnutrition chez les abeilles entraîne des répercussions bien connues. Il existe une étroite interaction entre les abeilles individuelles et la colonie, et les problèmes alimentaires individuels se répercutent sur l’ensemble de la population d’abeilles adultes, ainsi que sur la production de couvain, entraînant des réductions qualitatives et quantitatives. La malnutrition peut même conduire à des cas de cannibalisme sur les larves, affectant la génération d’abeilles adultes suivante et la capacité de la colonie à constituer des réserves (Brodschneider, 2010).
Manifestations visibles de la malnutrition :
- Arrêt de la ponte par la reine
- Diminution de la survie du couvain
- Cannibalisme (où les abeilles consomment les larves)
- Mortalité accrue des ouvrières
- Arrêt de l’élevage des mâles
- Abeilles de taille réduite, avec un abdomen nettement plus court que les ailes
- Mortalité des mâles
Un des effets de la malnutrition est le cannibalisme, où les abeilles consomment les larves.
9. Pratiques d’alimentation
9.1 Début de saison ( entre la sortie de l’hiver et la première miellée)
Dans la plupart des cas (en fonction des régions), un minimum de 4 litres de nourriture en début de saison (1,5 litre par semaine) est nécessaire afin d' »aider » les colonies avant la première miellée de printemps. Toutefois, il convient de noter que le nourrissement excessif, dépassant les 8 litres, ne devrait être envisagé que lorsqu’il y a une production d’essaims, de paquets d’abeilles ou de reines. Des quantités élevées de sirop comportent un risque élevé d’essaimage et de résidus dans le miel.
Ce type de nourrissement stimulant (sirop léger à 50/50) est approprié en début de saison. Mais peut aussi être utile plus tard si une miellée est précédée d’une longue période (plus d’un mois) sans floraison.
Nourrissement au miel
Bien que le nourrissement au miel soit théoriquement idéal, il présente plusieurs inconvénients. Il peut être un vecteur d’agents pathogènes, notamment des spores de loque américaine. De plus, sur le plan pratique, il peut favoriser le pillage à certaines périodes de l’année. Enfin, cette méthode représente un coût non négligeable.
9.2 Fin de saison (entre la fin des miellées et l’hivernage)
Il est crucial d’évaluer avec précision les réserves des ruches avant l’hiver, en comptabilisant les cadres de corps de ruche contenant des réserves. Cette évaluation est généralement effectuée lors de la visite d’hivernage, qui se situe généralement entre le 15 et le 30 septembre dans nos climats.
D’après Pouvreau (1981), en se basant sur les données de Beldame (1942), chaque ruche nécessite environ 7 kg de miel entre début octobre et fin février. Cela équivaut à 2 kg par mois en octobre et février, et environ 1 kg par mois de novembre à janvier.
10. Aliments complémentaires
Antonio Pajuelo considère les aliments complémentaires comme une forme d’assurance que l’alimentation des abeilles sera suffisamment nutritive. Il existe diverses études sur les effets des aliments complémentaires sur les abeilles domestiques. Parmi ces études, on peut citer celles portant sur les algues (Roussel, 2015), la propolis (Antunez, 2008) et les extraits végétaux tels que le romarin, la grenade, la cannelle et le pamplemousse.
11. Nourrissement protéiné
Il est essentiel de noter que la valeur nutritionnelle des pollens varie considérablement en fonction des espèces végétales. On estime que l’alimentation au pollen est bénéfique lorsque les colonies disposent de réserves de pollens provenant d’au moins 4 ou 5 sources végétales différentes.
12. Questions et réponses
Comment évaluer l’effet réel du nourrissement ou des produits utilisés ?
Une approche consiste à mener des essais préliminaires. Dans un rucher, choisissez au moins 20 ruches saines qui soient aussi homogènes que possible. Évaluez leur force en fonction du nombre de cadres d’abeilles, de couvain, de cadres de miel et de pollen. Procédez au nourrissement sur la moitié des ruches, en alternant entre celles avec alimentation et celles sans. Un mois plus tard, réévaluez les colonies. Pour de nombreux compléments alimentaires, il est recommandé d’observer les colonies sur une période plus longue. Lorsque vous testez plusieurs produits, il est essentiel de constituer des groupes de plus de 10 ruches.
Quelle est l’importance des lipides pour l’immunité de l’abeille ?
Les lipides jouent un rôle crucial dans le maintien de la température corporelle de l’abeille. Cependant, le système immunitaire des abeilles repose principalement sur la production de peptides antimicrobiens, faisant des acides aminés et des protéines des éléments essentiels pour l’immunité.
Y a-t-il des données scientifiques sur les effets de probiotiques sur l’abeille ?
Oui, des études sur les effets des probiotiques sur les abeilles ont été menées depuis la fin des années 70. En 2005, une étude intitulée « The effects of probiotic supplementation on the content of intestinal microflora and chemical composition of worker honey bees (Apis mellifera) » a été publiée par A. Kaznowski et al. Cette étude a montré que les probiotiques pouvaient influencer la microflore intestinale des abeilles et ainsi accroitre leur durée de vie.
Est-ce que le nourrissement artificiel avec des compléments alimentaires peut diminuer l’immunité des abeilles ?
Non, le nourrissement artificiel avec des compléments alimentaires ne diminue pas l’immunité des abeilles. Les produits de nourrissement commercial sont spécialement conçus pour compléter l’alimentation des colonies. Il sont donc recommandé en cas de carence due à une mauvaise météo ou à une faible diversité florale. Le choix du type d’aliment dépend des objectifs de production et des conditions environnementales spécifiques à chaque ruche.
En résumé, le nourrissement des abeilles est crucial pour leur santé et leur vitalité.
La malnutrition peut entraîner des problèmes graves. Les pratiques d’alimentation varient en fonction des saisons et des besoins des colonies. Des aliments complémentaires et le nourrissement protéiné peuvent être nécessaires dans certaines situations. Il est essentiel de réaliser des essais afin d’évaluer les effets des différents types de nourrissement.
En fin de compte, l’alimentation des abeilles est une pratique complexe. Cela nécessite une adaptation constante en fonction des besoins des colonies et des conditions environnementales.