L’agriculture conventionnelle, mise en place dans les années 60, repose sur une mécanisation lourde et un recours systématique aux engrais et aux pesticides de synthèse.
L’agriculture conventionnelle a des conséquences néfastes sur l’environnement.
Il entraîne une tragédie parmi les insectes pollinisateurs qui dépendent du pollen et du nectar des fleurs pour leur survie.
Le modèle agricole conventionnel, dominant en Europe depuis les années 60, est responsable de la grave diminution des insectes, en particulier des pollinisateurs. En 2017, des chercheurs ont révélé que 80 % des insectes volants avaient disparu en moins de trente ans en Europe. Cette découverte a été faite dans des zones préservées en Allemagne, près de champs cultivés. Les monocultures réduisent la nourriture des insectes, les pesticides polluent leur environnement, et la fragmentation des sols détruit leurs habitats naturels. Cela met en danger les pollinisateurs, indispensables pour les cultures et la biodiversité.
Malgré les mises en garde répétées des scientifiques, l’utilisation systématique des pesticides continue de s’accélérer. En France, malgré les plans Ecophyto visant à réduire l’utilisation de pesticides, leur utilisation a augmenté, passant de 76 millions d’unités en 2008 à 94,2 millions en 2017. En Europe également, l’utilisation de pesticides n’a pas diminué ces dernières années, avec près de 400 000 tonnes de pesticides vendues dans l’Union européenne en 2016. La nécessité de repenser notre approche de l’agriculture conventionnelle est plus urgente que jamais pour préserver nos précieux pollinisateurs et l’écosystème dans son ensemble.
Les nouvelles menaces des pesticides : l’agonie silencieuse des pollinisateurs
En plus des effets mortels immédiats de certaines substances, l’exposition continue aux pesticides peut constituer un supplice progressif pour les insectes ou engendrer des conséquences sublétales, mettant en péril leur survie. Leur système immunitaire s’affaiblit, les rendant vulnérables aux maladies, tandis que des dommages neurologiques les désorientent. Les larves d’abeilles sont empoisonnées par le pollen contaminé, entraînant de graves anomalies. Un exemple marquant est le glyphosate, l’herbicide le plus répandu au monde, qui inflige des dommages irréversibles au microbiote des abeilles, un élément crucial dans leur lutte contre les agents pathogènes. De plus, il peut altérer leurs facultés cognitives, les empêchant de retrouver le chemin de leur ruche, et les larves exposées à ce pesticide présentent un taux de mortalité accru.
Ces pesticides malveillants imprègnent les plantes, le sol, l’air et l’eau, accumulant des produits chimiques toxiques à long terme, un mélange potentiellement nuisible qui reste largement inexploré et non pris en compte dans les procédures d’homologation. Les tests réglementaires, destinés à identifier les produits nocifs pour les pollinisateurs, se révèlent superficiels et obsolètes. Ils ne tiennent pas compte de la toxicité chronique, des effets des combinaisons de pesticides, des différentes voies d’exposition (eau, pollen, poussières, etc.) ni de l’impact sur les milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages. En conséquence, les autorités sanitaires européennes continuent année après année d’autoriser la vente de pesticides nocifs pour les butineurs.
Un exemple frappant de cette inaction est le cas des néonicotinoïdes
Pendant des décennies, on les a vendus massivement malgré des études indépendantes accablantes qui ont révélé leurs dangers. Bien que la France et l’Union européenne aient interdit trois de ces substances (imidaclopride, clothianidine et thiaméthoxame) depuis 2018, certains pays accordent encore des dérogations pour leur utilisation en « cas d’urgence ».
De plus, ces néonicotinoïdes continuent de causer des ravages dans d’autres régions du monde, notamment aux États-Unis.
Ces neurotoxiques, transportés par la sève des plantes jusqu’au pollen et au nectar des fleurs au cours de leur croissance, attaquent le système nerveux central des insectes, entraînant paralysie et décès. À des concentrations élevées, ils tuent immédiatement, tandis qu’à des doses chroniques, ils perturbent la navigation, la mémoire, le système immunitaire, la reproduction et la thermorégulation des abeilles.
Même si les néonicotinoïdes étaient totalement interdits dans toute l’Union européenne, il est à craindre qu’ils soient rapidement remplacés par de nouveaux pesticides nocifs. L’agriculture conventionnelle, piégée dans une dépendance à la chimie pour maintenir la production sur des sols devenus stériles, est contrainte d’augmenter les doses et de mélanger les produits. Avec le temps, les mauvaises herbes et les insectes nuisibles développent inévitablement des résistances aux produits existants, forçant les agriculteurs à adopter de nouvelles molécules.
Les pesticides évoluent : les pollinisateurs en péril
Les générations récentes de pesticides agissent de manière de plus en plus insidieuse. Par exemple, les SDHI, des fongicides à large spectre utilisés depuis 2008, ciblent la respiration cellulaire des champignons, mais ils ont également des effets néfastes sur d’autres formes de vie. Le boscalid, l’un des SDHI les plus couramment utilisés, s’est révélé toxique pour les abeilles après une exposition de 17 jours, bien que les tests d’homologation ne durent que 10 jours. Une étude indépendante a révélé que la combinaison de ce fongicide avec un insecticide couramment utilisé dans les champs entraîne des effets synergiques extrêmement dangereux pour les pollinisateurs sauvages.
L’uniformisation des paysages : les conséquences de l’agriculture conventionnelle
L’agriculture industrielle a apporté des changements significatifs au sein des paysages ruraux, créant des étendues sans fin de monocultures tout en supprimant les haies, les prairies, et la flore sauvage. Ce processus d’homogénéisation des paysages et de simplification des systèmes agricoles a considérablement réduit la diversité des plantes, tant sauvages que cultivées, qui sont essentielles pour la subsistance des insectes. Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), la biodiversité des cultures a diminué de 75 % en un siècle, atteignant un niveau critique : près de 75 % de la production alimentaire mondiale repose sur seulement 12 espèces végétales, et les trois principales céréales cultivées – riz, maïs et blé – fournissent à elles seules 60 % des calories et protéines végétales consommées par l’humanité. Ces monocultures ne répondent pas aux besoins nutritionnels des pollinisateurs, les exposant davantage aux maladies.
En parallèle, l’utilisation quasi systématique d’herbicides pour éliminer les plantes indésirables dans les cultures conduit à l’éradication des coquelicots, des bleuets et d’autres plantes qui traditionnellement cohabitaient avec les cultures céréalières.
Ces fleurs servaient de sources importantes de pollen et de nectar pour les pollinisateurs, qui se retrouvent désormais dans un environnement biologique appauvri.
Un apport nutritionnel insuffisant et déséquilibré a des répercussions sur la santé et le développement des pollinisateurs. Les larves d’abeilles souffrant de carences alimentaires ne développent pas correctement leur cerveau, ce qui diminue leur efficacité ultérieure en tant que butineurs. De plus, les carences alimentaires altèrent la résistance des abeilles aux agents pathogènes et réduisent leur espérance de vie.
En ce qui concerne la culture hors-sol, destinée à produire des fruits et légumes en dehors de la saison, les agriculteurs la pratiquent généralement dans des environnements clos, ce qui rend les pollinisateurs sauvages inaccessibles. Dans ce cadre, les agriculteurs achètent généralement des pollinisateurs d’élevage, souvent des bourdons, qu’ils expédient dans des boîtes avant de les relâcher dans les serres pour qu’ils assurent la pollinisation de ces cultures.
La destruction massive des habitats
À mesure que l’agriculture conventionnelle progresse, elle réduit inexorablement les habitats des pollinisateurs. En effet, la plupart des pollinisateurs sauvages choisissent des sols non perturbés et meubles pour y creuser leurs galeries, tandis que d’autres sont xylophiles, vivant dans le bois ou les tiges des plantes. Beaucoup d’entre eux utilisent des matériaux naturels tels que la résine, les feuilles, les pétales, les coquilles ou le sable pour construire leurs nids.
Cependant, au cours d’un siècle, la France a perdu environ 70 % de ses haies agricoles, soit environ 1,4 million de kilomètres d’arbres, d’arbustes et de fleurs qui auraient pu servir de refuge aux pollinisateurs. Entre 2006 et 2014, l’agriculture, les plantations forestières et l’urbanisation des sols ont détruit encore 8 % de ces habitats.
Un tiers des surfaces en prairie, qui abritent de nombreux butineurs, a également disparu depuis 1960, ce qui équivaut à plus de 7 millions d’hectares à l’échelle de l’Europe et 4 millions en France. Cette diminution est due à l’intensification des systèmes d’élevage hors-sol pour répondre à la demande croissante de viande.
Certaines pratiques agricoles, telles que les sols laissés nus et le labour profond, ont également contribué à l’érosion graduelle des sols. En Europe, 26 millions d’hectares de terres en ont souffert, entraînant parfois des dommages irréversibles.
L’affaiblissement de la diversité génétique
La fragmentation croissante des habitats des insectes compromet progressivement la diversité génétique. Cela est d’autant plus préoccupant étant donné que leurs populations sont déjà fortement réduites. En l’absence de liens ou de corridors entre leurs habitats respectifs, les populations diverses ne peuvent alors plus se mélanger pour se reproduire. Or, les générations issues d’une faible diversité génétique deviennent plus vulnérables aux maladies, aux espèces envahissantes et aux variations climatiques, mettant ainsi en péril leur survie.
Une étude menée en Amérique du Nord sur quatre espèces de bourdons en déclin (avec une réduction allant jusqu’à 96 % de leur abondance relative en vingt ans) a révélé des niveaux d’infection nettement plus élevés par rapport à des populations stables bénéficiant d’une grande diversité génétique.
L’agriculture conventionnelle ne laisse donc aucune chance aux butineurs.
Ils périclitent dans cet environnement devenu inhospitalier. Ces insectes sont pourtant d’une importance cruciale : sans les pollinisateurs sauvages, il serait impossible de produire les principales cultures alimentaires. Le déclin actuel de ces petites créatures constitue déjà une menace alarmante pour la sécurité alimentaire mondiale. Il est évident qu’un modèle agricole qui épuise les sols et met en danger ses propres alliés ne peut perdurer.