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L’abeille, de mythe en mythe

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L’imaginaire de l’homme foisonne de mythes, de croyances, de légendes dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Divinisée ou redoutée, l’abeille y occupe une place privilégiée. Elles ont longtemps été associées à des déesses partout dans le monde. Le miel était considéré comme une alchimie naturelle, un don divin apporté par les abeilles. Georges THIRIARD a étudié la situation de l’abeille dans les croyances anciennes et populaires. En voici quelques aspects. 

Histoire ancienne et symboles des abeilles dans l’l’Antiquité

Dans l’Antiquité, l’abeille était considérée comme une divinité voulue par Zeus, le dieu tout puissant de l’Olympe.

Celui-ci aurait métamorphosé en abeille une femme d’une grande beauté nommée Mélissa, qui fut appelée la déesse « AbeilleMélissa ». 

La Grèce tenait l’abeille comme présage soit d’un talent futur, soit d’une protection spéciale des dieux. Platon, le divin et célèbre philosophe, aurait eu pendant son sommeil les lèvres enduites de miel. Pindare, le plus illustre des poètes lyriques de Grèce, étant enfant, aurait été entouré d’abeilles lesquelles firent des rayons sur ses lèvres. Selon la légende, les abeilles s’attachaient aux personnes distinguées. C’est pourquoi lors de la mort d’Orphée, le poète lyrique, toutes les abeilles de la Thrace moururent. 

Les légendes de l’Antiquité ne seront pas oubliées.

Elles influenceront notamment le choix de saints chrétiens, protecteurs de l’apiculture et de l’abeille. 

Saint-Jean-Chrysostome a été choisi comme grand patron des apiculteurs. 

Ce saint, dont l’éloquence elles œuvres sont connues, a été surnommé « Bouche d’Or », et la tradition veut que des abeilles se posassent sur sa bouche pendant son sommeil. Outre son éloquence et la douceur de ses écrits, une vieille chronique de Jean Bernard Fourain porte qu’à sa mort, un essaim « obscurcit le ciel et entra par la fenêtre de sa chambre scellant de cire vierge ses lèvres ». 

POUR RÉUSSIR ET PROSPÉRER 

En plus d’un saint patron protecteur que l’on invoquait, d’autres croyances populaires étaient considérées comme source de réussite par les apiculteurs. Par exemple il convenait selon les régions de placer dans les ruchers une médaille représentant Saint Bénédict ou de porter du miel à la Madone, ce qui préservait les ruches d’accidents. Notamment, l’offrande du miel devait empêcher les abeilles de s’en aller si, par inadvertance, on disait du mal d’elles. 

En Région wallonne, une coutume spéciale consistait à placer, sur chaque ruche, de petites croix de cire bénite, soit à la Purification pour éloigner la foudre, soit le Vendredi-Saint pour obtenir des abeilles actives et fidèles. 

Nos ancêtres étaient non seulement désireux de protéger, mais voulaient aussi assurer la prospérité des ruchers. 

Les anciennes croyances considéraient que les abeilles, étant chose sainte, ne se vendaient pas. La vente était une action coupable dont on ne tirait pas profit, les abeilles mourant dans l’année. C’était « perdre sa chance ». 

En Allemagne et en Grande-Bretagne, si elles étaient vendues pour de l’argent, les abeilles refusaient de travailler et attiraient des malheurs. 

Au pays de Liège, l’achat était symboliquement compensé par le don d’une pièce de cent sous offerte à un enfant du vendeur. 

NAISSANCE ET RECUPERATION D’UN ESSAIM 

Pour que les essaims ne se fixent pas à un endroit élevé, il était conseillé de piquer une branchette de buis sur les ruches.

Certains plantaient également du buis au pied du rucher. 

Egalement , pour empêcher les essaims de se perdre, l’apiculteur devait, à la Chandeleur, faire le tour de son rucher, un cierge bénit à la main. Le « cercle magique » que l’apiculteur créait en s’écartant autour du rucher était censé délimiter le champ de vol des essaims. En même temps, on empêchait les mauvais sorts de franchir le cercle. 

Dans la région de Huy, c’était en marchant à reculons le long des haies du jardin que l’apiculteur récitait certaines formules. 

L’essaim envolé, il était de règle de procéder à une coutume ancienne, celle du « charivari ».

Il s’agit d’un cortège dans lequel de nombreux musiciens et passants font du bruit avec toutes sortes d’objets. Ce bruit, pour les Anciens, était le rappel du vacarme que les Corybantes faisaient lors de la célébration des mystères de Cybèle. Pour d’autres, c’était une imitation du tonnerre qui avait pour effet de faire rentrer les abeilles à la ruche. Il est cependant vraisemblable que ce charivari, fait de ferrailles entrechoquées et de cris, avait pour but d’affirmer la propriété de l’essaim. Cela permettait au poursuivant l’exercice du droit de suite, c’est-à-dire de pouvoir récupérer les abeilles là où elles se poseront. 

Pour que l’essaim se pose, il y avait aussi diverses formules :

« à bas, à bas » (Nièvre), « Venez, belles de par Dieu » (Vosges), « Belles, à pied, à pied » (Eure), « Grappe, grappe, petites abeilles » (Bretagne), « Sié, si, mes avettes » (Mayenne). En Seine et Marne, on se mettait à genoux à côté des ruches, et, en enfonçant un doigt en terre, on disait « Mouches, Dieu vous a donné naissance ici et il vous prie de rester ici ». Dans d’autres régions, l’exhortation était « Mouche, arrêtetoi, la cire est à la Sainte Vierge, le miel est à moi. Descends, belle, belle, belle ». 

On croyait aussi que le jour de l’essaimage avait une influence sur le comportement de l’abeille. 

Dans certaines localités, on disait que l’essaim du jour du Saint Sacrement traçait dans ses rayons la forme d’un ostensoir, d’un calice ou d’une croix. 

CARACTÈRE DES ABEILLES 

Les anciennes croyances considéraient les abeilles comme des parents. Ainsi, la « vie de la maison », qu’elle soit bonne ou mauvaise, ne les laissait pas indifférentes. En plus, on attribuait aux abeilles le rôle de protéger la maison et d’en chasser les mauvais esprits. 

Il fallait tenir au courant les abeilles des événements de la maison. Selon la croyance dans le cas contraire, elles se dispersaient et les ruches périclitaient. 

Lors d’une naissance, en Suisse et en Bretagne, on attachait aux ruches une étoffe rouge ou de couleur gaie pour annoncer l’heureux événement. En Allemagne, le mariage célébré, le nouveau couple était présenté aux ruches en les priant de lui rester fidèles. Lors du décès du maître, la règle générale était d’attacher un crêpe ou un ruban noir aux ruches; en Normandie, on couvrait les ruches d’un drap noir en disant « votre père est mort ».

En Picardie, en Angleterre et en Flandres, on heurtait la ruche trois fois et si les abeilles bruissaient, c’était le signe de leur compréhension et de leur acceptation de rester. 

Les abeilles étaient réputées très sensibles et certaines circonstances de la vie pouvaient avoir une bonne ou une mauvaise influence sur leur comortement. Par exemple, elles savaient distinguer le bien du mal, et il ne fallait ni jurer, ni blasphémer, ni tenir des propos grossiers aux environs d’un rucher (Hesbaye, Condroz, Ardennes). Les abeilles désiraient travailler pour l’homme bon (Lorraine), mais détestaient l’haleine des buveurs d’alcool, les querelleurs et les joueurs. 

Ces gens ne devaient pas s’occuper d’apiculture, pas plus d’ailleurs que les ménages ou les époux ne s’entendaient pas : ces personnes étaient souvent piquées et les ruches périclitaient. En Germanie, on croyait que les abeilles avaient suivi Adam et Ève quand ils furent chassés du Paradis terrestre. À cette occasion, elles avaient appris à comprendre le langage humain. C’est pourquoi, selon la croyance, il était dès lors dangereux de dire du mal d’elles. 

Symbolique, légendes et présages liés aux abeilles

C’était parfois un mauvais présage, voire un signe de malheur, que de rêver d’abeilles ou de miel.

En France, rêver d’un essaim était néfaste. Dans l’Allier si ce rêve était fait par un domestique, il était alors congédié dans l’année. 

Dans l’antique Rome, l’apparition d’un essaim au début d’une bataille était de sinistre augure. Annibal, aurait vu un essaim se poser sur un arbre près de sa tente. Puis, il fut vaincu par Scipion. Virgile, dans l’Enéide, a noté qu’un essaim errant, arrêté sur un laurier sacré dans le palais du roi Latinus, figura au vieillard l’envahissement de sa patrie. 

En Angleterre, un essaim s’abattant sur un morceau de bois mort était aussi signe de malheur. De même que si une « abeille mâle » entrait dans une maison, c’était signe de mort. Si un essaim perdu n’était pas retrouvé dans les trois jours, les enfants perdaient leurs parents.

L’abeille est également porteuse de nombreux symboles. 

L’Antiquité la considérait comme symbole de propreté et de pureté. 

Emblème de l’autorité dans l’ancienne Égypte, l’abeille représentait le Pharaon. On l’associait avec un brin de jonc, et alors elle exprimait la souveraineté sur la Basse-Egypte. D’un roi qui régnait sur l’entièreté de l’Égypte, on avait coutume de dire qu’il avait « marié le jonc et l’abeille ». 

L’abeille : symbole de l’Empire napoléonien

Napoléon choisit l’abeille comme un des symboles de ses armoiries. Les abeilles furent ainsi présentes sur le célèbre manteau de velours pourpre que l’Empereur porta lors de son couronnement, Elle était le symbole des rois Mérovingiens, première dynastie royale française. Napoléon fit broder son manteau impérial de 1500 abeilles d’or.

Plus récemment, certaines sociétés d’épargne ont fait de l’abeille leur emblème.

Elle figure notamment à Bruxelles sur l’Hôtel de la Banque Nationale. 

Source : « L’abeille et le Folklore », G. THIRIARD, Musée de l’Abeille TilffsurOurthe, études et documents n° 1 
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